Forum International Maîtrise des risques en Afrique, pour un développement économique durable
L’histoire de l’Association des Assureurs a commencé en 1967 avec la création du comité des sociétés d’assurance du Sénégal ; ce comité deviendra la Fédération Sénégalaise des Sociétés d’Assurance.
Actuellement, elle est devenue l’Association des Assureurs du Sénégal avec principalement comme objectif la promotion du développement de l’industrie des assurances au service des populations (prévention, assistance aux victimes, reconstitution du patrimoine, maintien des revenus, fiabilisation des relations commerciales, investissements dans l’économie etc.). Toutefois la prévention est au cœur de nos priorités et Préventica nous offre l’opportunité d’échanger avec les acteurs de plusieurs secteurs et ainsi partager des expériences et nouer des partenariats.
En effet, Les risques sont inhérents à nos activités quotidiennes et l’Homme a toujours cherché à se prémunir contre les conséquences de ces risques parmi lesquels nous pouvons citer la maladie, l’incendie, la pollution, l’effondrement d’ouvrages, le bris des machines, dégâts des eaux, les tempêtes-ouragans-cyclones, l’intoxication, le naufrage, les risques informatiques etc. Le risque zéro n’existant pas, plusieurs systèmes ont été mis en place pour gérer ces événements aux conséquences néfastes. Toutefois, l’assurance reste le mécanisme le plus sophistiqué dans la gestion des risques.
En effet, l’assurance est un système de transfert de risques à un professionnel au moyen d’une opération par laquelle l’assureur s’engage à exécuter une prestation (indemnisation) au profit d’une autre partie (assuré et/ou bénéficiaire) en cas de réalisation d’un événement aléatoire (le risque), en contrepartie d’une somme (prime ou cotisation) conformément aux lois de la statistique.
La gestion des risques passe par l’analyse, le traitement et le transfert. L’assureur intervient dans ce processus d’amont en aval. La prévention fait partie intégrante de l’assurance et les séparer, c’est comme enlever la vaccination ou le sport de la médecine. Rappelons que la prévention est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour éviter la survenance de l’événement craint comme l’incendie, le dégât des eaux, la maladie, le vol à titre d’illustration.
Et, dans nos pays en voie développement, un accent particulier doit être accordé à la prévention car les moyens de lutte contre les sinistres ne sont pas aussi performants que ceux des pays développés qui pourtant accordent une importance particulière à cet aspect. En effet, si nous prenons l’exemple de la France, la création du Centre National de Prévention et de Protection (CNPP) créé en 1956, a été beaucoup inspirée par les assureurs qui sont majoritairement les membres de cette association.
Cette association a été reconnue d’utilité publique en 1961 et a fortement fait progresser les normes et moyens de prévention et/ou de protection. D’ailleurs, les règles éditées et les certifications délivrées portent l’acronyme APSAD qui ne signifie rien d’autre que l’Assemblée Plénière des Sociétés d’Assurances Dommages.
Nos marchés ne sont pas encore arrivés à ce stade, mais beaucoup de compagnies d’assurance intègrent la prévention dans leurs offres service.
Pour nous fixer les idées et sans nuire à la généralité, nous allons nous focaliser sur l’incendie qui détruit beaucoup en peu de temps ; d’où la nécessité de tout mettre en œuvre pour réduire sa fréquence (prévention) et d’autre part, s’armer pour diminuer son ampleur (protection) en cas de survenance. Les incendies du CICES (pertes matérielles immense, impact sur l’image), du ranch de Dolli à Dahra (des hectares ravagés, bétail décimé), du Daaka de Médina Gounass (des dizaines de morts, dommages matériels énormes, traumatisme collectif), du paak lambaye à Pikine (préjudice matériel énorme), de grandes entreprises à Dakar et à Mbour, marchés de Conakry et Nairobi (des milliers de victimes), forêt de la région des grands lacs , oléoduc au Nigeria (200 morts) sont encore frais dans nos mémoires et impactent négativement nos économies. En sus, les sapeurs-pompiers font des milliers de sorties par an pour des alertes d’incendie et cela pèse sur nos modestes budgets.
Mettre l’homme au cœur du dispositif
Par rapport à l’incendie, la prévention consiste alors à éviter la réunion de ces 3 éléments nécessaires pour provoquer le feu (combustible comme les matières plastiques ou bois, comburant constitué généralement par l’oxygène de l’air, la source d’énergie comme l’étincelle ou un arc électrique) dans des endroits non désirés. Ce sont souvent des mesures simples, salvatrices et peu coûteuses aux effets bénéfiques.
L’homme étant au centre de tout, la prévention commence par une formation du personnel avec des piqûres de rappel sur les fondamentaux de la sécurité et l’utilisation des moyens mis à leur disposition. La sensibilisation régulière est très importante. En outre les bonnes pratiques doivent être magnifiées et les mauvaises pratiques doivent servir de leçons pour tout le monde.
Un aspect très important, le housekeeping, qui peut être défini simplement comme les actions de nettoiement, de rangement etc. La formule consacrée de l’auteur écossais Samuel Smiles est très pratique : « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ! »
Et, comme disait l’autre, bien ranger aide à voir clair et ça va au-delà car beaucoup d’incendies résultent d’une accumulation désordonnée de combustibles. Un housekeeping bien managé induit le respect des partenaires, instaure la confiance, augmente la productivité (gain de temps et peu de perte d’objets) et réduit les sinistres. Aussi, une importance doit être apportée aux installations électriques, source de près de 80% des incendies, et il faut éviter les économies dérisoires au détriment de la sécurité. Il faudrait faire appel à un professionnel (interne ou externe) pour bien dimensionner le réseau électrique avec toutes les mesures de sécurité et conseiller dans l’achat de matériels électriques de qualité.
Après les installations, il faut solliciter un bureau de contrôle pour la conformité aux normes et il devra passer annuellement pour un check-up. Les zones de stockage (matières premières, produits semi-finis ou finis) sont des lieux d’accumulation de valeur donc à inspecter soigneusement. Pour cela, il faut un bon marquage des emplacements, laisser des allées de circulation entre les rangées, veiller à laisser également une distance entre le haut des piles et la charpente ; tout ceci pour éviter l’encombrement des voies d’accès et faciliter les interventions en cas de sinistres. Il faut également à utiliser des palettes pour certains produits et penser à l’aération des locaux ; les agents de sécurité doivent intégrer, dans leur ronde, les endroits de stockage surtout ceux qui ne sont pas régulièrement fréquentés.
Le respect de certaines normes de sécurité
Le stockage des produits inflammables (hydrocarbure) et leur manutention doivent se faire dans le respect des normes de sécurité (lieux appropriés aérés pour éviter la formation d’atmosphère explosive).
Il est nécessaire de souligner que le service des sapeurs-pompiers est gratuit ; ainsi, vous pouvez leurs demander de venir visiter votre entreprise, ils vous feront des recommandations, vous établiront une cartographie et dresserons un plan d’attaque feu qui leur permettra d’être plus efficaces en cas d’intervention. Les plans d’opérations internes (POI) et plan de survie ou de continuité des activités sont des documents très importants. Mais, il faut éviter d’en faire des documents purement administratifs pour remplir uniquement des formalités imposées par les autorités.
Il faut les confronter à la réalité pour des mises à jour, les diffuser et faire des exercices de simulation pour renforcer les acquis et corriger les défaillances le cas échéant.
Par ailleurs, en sus de la prévention, il faut pouvoir compter sur soi pour les premiers secours, en ayant à sa disposition selon la nature de l’entreprise, un dispositif de protection installé conformément aux règles APSAD susmentionnées pour garantir son efficacité (extincteurs, Robinet Incendie Armé, Colonne sèche ou humide, sprinkler, extinction automatique à gaz etc.)
L’assurance ayant une mission d’utilité publique, elle gagnerait à étendre ses actions de sensibilisation sur la prévention aux marchés où les sources d’incendie sont généralement les installations électriques (branchement clandestin, câbles de mauvaise qualité…), avec la présence de beaucoup de combustibles (tissus, céréales, emballages, tables en bois…), combustibles et un housekeeping nettement en deçà des normes admises.
Cela pourrait être fait avec des ateliers pratiques régulièrement organisés avec les gestionnaires des marchés pour éviter les incendies. Par rapport aux maisons, il faut acheter des câbles électriques de qualités pour éviter les échauffements qui peuvent brûler les rideaux ou moquettes, acheter des becs de gaz de qualité et bien les fermer après utilisation, éloigner les bougies de tout combustible en les posant sur des supports difficilement inflammables (plat métallique, support béton…), mettre hors tension les appareils non utilisés. En période de froid, le feu de charbon est beaucoup utilisé pour le chauffage ou l’encens ; les mêmes règles s’appliquent : les éloigner de tout combustible (rideaux, habits, draps, fauteuil…)
L’écrivain québécois Yves Thériault nous sensibilise sur les dangers de la routine « C’est terrible de se laisser prendre dans sa routine, on s’enlise, on se sent en sécurité. Et puis, tout à coup, on s’éveille, et il n’y a plus rien… »
Vous nous permettrez de faire une petite digression en parlant de la prévention routière où malgré les actions remarquables de l’Association des Assureurs, la route continue de faire beaucoup de victimes et plus de 92% des accidents résultent de la défaillance humaine. Pourtant, ce n’est pas très compliqué de rouler avec prudence, de vérifier ses équipements de sécurité (pneus, freins, éclairage, extincteur), de respecter le code de la route et de ne pas conduire en état d’ivresse : cela peut sauver beaucoup de vies.
Albert Einstein disait à juste titre « L’homme et sa sécurité doivent constituer la première préoccupation de toute aventure technologique. »
Il est primordial de souligner que les gains socio-économiques induits par un bon système de prévention sont incommensurables. Ainsi, l’assurance doit être présente partout en amenant la prévention partout car tout le monde en a besoin en tout lieu et en tout temps
Moustapha Kamal NDAO
Ingénieur Polytechnicien, MBA
Président de la Commission Technique de
L’Association des Assureurs du Sénégal
Directeur Souscription Corporate
Allianz Sénégal Assurances
